35. Les difficultés de prononciation en fonction de sa langue maternelle

Un enfant vient au monde avec la capacité d’entendre et plus tard de reproduire tous les sons de toutes les langues du monde. Un bébé de parents anglophones possède donc la capacité de parler une langue aborigène d’Australie ou d’Afrique du Sud. Mais il se spécialise rapidement dans les sons de sa langue maternelle et progressivement perd la capacité de prononcer des sons extérieurs à cette langue.

Chez l’enfant monolingue (qui ne parle qu'une seule langue), le système phonatoire se stabilise très vite. Il devient alors plus difficile d'apprendre naturellement les sons d'une autre langue. Le linguiste Claude Hagège, s’appuyant sur des études récentes, fixe à 11 ans l’âge à partir duquel il sera difficile de récupérer cette abilité héréditaire. (Claude Hagège, L’Enfant aux deux langues, pp. 28-29).

L’adolescent ou l'adulte qui décide d’apprendre une langue étrangère doit « reformater » une partie de son cerveau pour identifier les nouveaux sons de la langue qu’il apprend et essayer de les prononcer de la manière la plus authentique possible. Les difficultés rencontrées par les étudiants dépendent donc en grande partie de leur langue maternelle. Par exemple :

  • le japonais ne distingue pas les deux consonnes liquides [ʁ] et [l] ;
  • le r standard parisien [ʁ] est très éloigné de la semi-voyelle [r] anglaise, et peut poser des problèmes aux anglophones ;
  • le th qu’on trouve en anglais dans les this et theatre en anglais est très difficile à prononcer pour un francophone ;
  • l’anglophone aura sans doute des problèmes à différencier et à reproduire [y] rue et [u] roue.

ACTIVITÉ 35.1 (facultative - optional)
Dans The Five-Minute Linguist, Rick Rickerson se propose de répondre en 5 minutes à la question « What causes foreign accents? ». Si vous avez accès à la plate-forme ITunes, sélectionnez le podcast numéro 24 : "What causes foreign accents?" (https://itunes.apple.com/fr/itunes-u/the-five-minute-linguist/id452255394?mt=10 ) et répondez aux questions suivantes :

  • Qu'est-ce qu'un « language transfer » ? Citez une définition et un exemple.
  • À partir de quel moment dans la vie d'un individu est-il presque impossible d'éliminer toute trace de son accent ?

Voici un inventaire partiel des difficultés rencontrées par des locuteurs de langues différentes pour prononcer certains sons du français. Le signe "X" indique la difficulté :

 

[y]

[ø]

[œ]

[ɛ]

[e]

[ʁ]

[ʒ]

[f]

Africains

X

X

X

 

 

X

 

 

Anglophones

X

X

 

 

X

X

X

 

Chinois

X

X

X

X

X

X

X

 

Italiens

X

X

X

X

X

X

 

 

Japonais

X

X

X

X

 

X

X

 

Scandinaves

X

X

X

X

X

X

X

 

Turcs

X

X

X

X

 

X

 

 

Sources : Charliac & Morton, Kaneman-Pougatch & Pedoya-Guilbretière, Briet, Collige & Rassart.

D'après ce tableau, la consonne [ʁ] et la voyelle [y] posent un problème quasi universel aux apprenants de français.

ACTIVITÉ 35.2

  • Regardez dans le tableau la catégorie « anglophones ». Ces difficultés s’appliquent-elles à votre cas ? Faites une liste (petite ou grande) des sons qui vous semblent difficiles à identifier et à prononcer, en donnant des exemples de mots ou de phrases.
  • À votre avis, quels sons ou mots anglais sont difficiles à prononcer pour un francophone ? Donnez deux ou trois exemples en justifiant votre choix d'un point de vue phonétique.

ACTIVITÉ 35.3
Prononcer du mieux que vous pouvez les phrases suivantes :

  • La rue et la route sont bloquées.
  • Les routiers sont enroués.
  • Les croutes de pain laissées en route par Hansel et Gretel.
  • Le carrosse se transforme en citrouille.
  • La ruée des écureuils vers les Ursulines.
  • Les sept nains s’appellent Prof, Atchoum, Dormeur, Grincheux, Joyeux, Timide et Simplet.

C’est bon à savoir : l’analyse des sons par oscillogramme

D’un point de vue acoustique, un son se propage sous forme d’ondes, exactement comme les notes d’un instrument de musique. Ces ondes sont formées par des molécules d’air qui se propagent de la bouche du locuteur jusqu’à l’oreille de l'auditeur. Pour la plupart des sons, une « note » fondamentale est produite au niveau du larynx et se trouve amplifiée par les caisses de résonnance que constituent la bouche et (pour les nasales) le nez.

Pour conserver l’analogie avec la musique, la voix humaine représente un instrument à vent (le souffle de l’air) et à cordes (les cordes vocales).

Des outils informatiques permettent de visualiser ces ondes et donnent des informations sur la nature de chaque son prononcé.

L’exemple suivant (emprunté à Pierre Léon) montre l’oscillogramme de « la majesté et l’indépendance ».

Remarques :

  • Puisqu’il s’agit d’un seul groupe rythmique, il n’y a pas de pause entre les mots. On visualise l’enchaînement vocalique de majesté et qui forme un [e] prolongé par enchaînement vocalique.
  • Les voyelles forment « des blocs sonores importants alors que les consonnes sont des interruptions, comme les occlusives [p], [t] et [k] ou des rétrécissements plus ou moins importants des plages sonores, comme les consonnes fricatives » (Léon, 63).

Plus précisément,

  • Les voyelles, sonores, forment des ondes très périodiques et intenses.
  • Les sons [p], [t] et [k] sont des occlusives sourdes, produites sous forme de petites explosions sans vibration des cordes vocales. Ces deux phénomènes sont bien visibles sur l’oscillogramme.
  • Les sons [f], [s] et [ʃ] sont des fricatives sourdes. Notez que la friction qui caractérise les [s] montre des vibrations très rapprochées.
  • Les sons [b] et [d] sont des occlusives sonores produits sous forme de petites explosions avec vibration des cordes vocales. Alors que la bouche est fermée, les cordes vibrent, ce qui est bien visible sur l’oscillogramme.
  • Le son [m] est nasal. La bouche est fermée. C’est par le nez que passe l’air qui forme une onde d’amplitude similaire à celle des voyelles.

L’oscillogramme constitue l’instrument de base de l’analyse phonétique. D’autres instruments permettent un examen plus détaillé des phénomènes acoustiques de la parole. Vous pouvez effectuer des oscillogrammes à partir de :

  • GarageBand (sur Mac) ;
  • Audacity (gratuit) ;
  • Adobe Audition (payant).

Pour une analyse plus complète, visitez ce site :

Pour d’autres outils disponibles, consultez ce lien

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