65. L'alexandrin classique

L’alexandrin, composé de douze pieds, domine la production littéraire (poésie et théâtre) du 16ème sièclejusqu’au début du 20ème siècle.

L’alexandrin classique est divisé en deux groupes rythmiques de taille égale : six syllabes chacune. La séparation (la césure) entre ces deux groupes appelés hémistiches se place donc au centre, après la sixième syllabe. La césure est à la fois phonétique et grammaticale :

hémistiche 1
(6 pieds)

hémistiche 2
(6 pieds)

Ainsi parlait Reschid ||

le soir de sa défaite.

hémistiche 1
(6 pieds)

hémistiche 2
(6 pieds)

Nous eûmes mille Grecs ||

tués à cette fête

Dans ces exemples (et dans tous les alexandrins classiques), la césure, représentée par le signe || ne vient pas interrompre un mot ou un groupe grammatical. Les enchaînements et les liaisons ne peuvent pas se réaliser entre deux hémistiches.

Les hémistiches étant de taille égale, ils doivent chacun être composés de six pieds, c’est-à-dire de six syllabes :

Le dôme obscur des nuits, semé d’astres sans nombre;
[lə do   mo pskyr de  nɥi ] ||  [sə me da strə  sɑ̃ nɔ̃br]

N’est-il pas de ces jours où l’on ne sait que croire ;
[ne   til pa   də se     ʒur] || [u lɔ̃ nə se kə krwar]

Où tout se lève amer au fond de la mémoire
[u tu sə lɛ va mɛr]      [o   fɔ̃     də la me mwar]

Si l’alexandrin est de tous les vers classiques celui qui est le plus usité, il n’est pas le seul. On identifie les autres types de vers en fonction du nombre de syllabes (pieds). En général, ce nombre est fixe dans l’ensemble du poème :

  • le monosyllabe (1 syllabe par vers)
  • tétrasyllabe (4 syllabes par vers)
  • octosyllabe (8 syllabes par vers)
  • décasyllabe (10 syllabes par vers)
  • dodécasyllabe ou alexandrin (12 syllabes par vers)

ACTIVITÉ 65.1
Identifiez le type de vers en fonction du nombre de syllabes. Vérifiez que ce nombre est identique dans chaque vers du poème. Repérez ceux qui, selon vous, posent problème.

1.
Fort
Belle,
Elle
Dort.
Sort
Frêle
Quelle
Mort !
Rose
Close,
La
Brise
L'a
Prise.
(Guillaume Apollinaire)

2.
Comme j'allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.
(Alfred de Musset)

3.
Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.
(Charles Baudelaire)

4.
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie au longs ennuis,
Et que l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
(Charles Baudelaire)

ACTIVITÉ 65.2
Quel découpage syllabique proposez-vous pour « Comme j’allais avoir quinze ans » (huit pieds), « Et d’étranges fleurs sur des étagères » (dix pieds), et « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle » (douze pieds) ?

ACTIVITÉ 65.3
Écoutez les alexandrins suivants et notez par écrit leur découpage en douze pieds :

Sire, il n’est plus besoin de vous dissimuler
Ce que tous mes efforts ne vous ont pu celer.
J’aimais, vous l’avez su ; mais pour venger mon père,
J’ai bien voulu proscrire une tête si chère ;
(Pierre Corneille, Le Cid, V, 6.)

Ce poème homérique et sans égal au monde
Offre une allégorie admirable et profonde ;
Mais, pour sucer la moelle il faut qu’on brise l’os,
Pour savourer l’odeur, il faut ouvrir le vase,
Du tableau que l’on sache il faut tirer la gaze,
Lever, le bal fini, le masque aux dominos.
(Théophile Gauthier)

Mesures rythmiques
Chaque hémistiche est considéré comme un groupe rythmique fort. Comme dans la langue parlée, un accent de longueur se porte sur sa dernière syllabe. Dans chaque alexandrin, on compte donc deux accents d’intensité forte dont la position est fixe (6e et 12e pied).

Quatre bœufs attelés, || d’un pas tranquille et lent

Et des vents inconnus || viennent me caresser.

Deux autres accents d’intensité marquent une mesure rythmique secondaire. Ils se placent à l’intérieur de chaque hémistiche, à des intervalles qui peuvent être modifiés par le poète. Beaucoup plus libre, cet accent d’intensité secondaire peut se trouver à l’intérieur d’un mot.

Quatre bœufs attelés, || d’un pas tranquille et lent
               1          2               3                        4

Et des vents inconnus || viennent me caresser.
           1                2                    3           4

Et le pâle désert || roule sur son enfant
     1            2          3             4

ACTIVITÉ 65.4
Dans le quatrain suivant, tiré de « L’albatros » de Charles Baudelaire, retrouvez 1. les douze pieds de chaque vers (utilisez le signe /) 2. la césure séparant ces vers en deux parties égales (utilisez le signe ||) 3. les accents rythmiques principaux (soulignez deux fois) et secondaires (soulignez une fois).

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

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