60. Le français parlé dans le nord de la France

L’accent du nord, également appelé accent ch’ti [ʃti] ou ch’timi [ʃti mi], est caractéristique d’une zone géographique qui englobe la Picardie et la région Nord-Pas-de-Calais, situées au nord de Paris, près de la Belgique. Ch’tis est le nom non-officiel donné aux habitants de cette partie de la France.

Le terme ch’ti est peut-être né durant la Première Guerre mondiale (1914-1918) pour désigner les soldats français de cette région. Sa signification n’est pas certaine, et a donné lieu à de nombreuses hypothèses.

De la même manière que l’accent méridional a été fortement influencé par l’occitan, l’accent du nord vient en grande partie de la langue picarde. Cette langue, historiquement ancienne, est proche de ce qu’on appelle aujourd’hui le français, si bien qu’il est assez difficile de faire une distinction nette entre les deux. La différence essentielle est historique : le français est devenu langue officielle, alors que le picard, pourtant langue de culture et de littérature jusqu’au XIVe siècle, a progressivement pris le statut de dialecte.

Certains locuteurs sont considérés comme picards lorsqu’ils parlent en français avec un accent picard et qu’ils utilisent quelques traits morphologiques et syntaxiques empruntés à cette langue. D’autres estiment que le picard est un dialecte qui peut être parlé comme une langue. On voit donc qu’entre le français standard, le picard historique et l’influence du picard sur la manière de parler en français aujourd’hui, les frontières ne sont pas strictement délimitées.

Plus sans doute que l’accent méridional, l’accent ch’ti est marqué socialement. On l’entend davantage dans les milieux populaires que dans les autres milieux sociaux-économiques. Cependant, certaines intonations se retrouvent chez un grand nombre de locuteurs, quelle que soit leur origine familiale ou sociale.

Le picard, qu’il désigne la langue ou un accent, est différent du français standard et nécessite une période d’adaptation. Pensez, par analogie, à l’anglais parlé à Glasgow ou à Sydney.

ACTIVITÉ 60.1
À partir de ce site, sélectionnez quelques expressions pour vous faire une idée des traits phonologiques et morphosyntaxiques du picard.

Site : http://www.lavoixduchti.com

Variations phonologiques
L’accent ch’ti, quand il est entendu dans la langue française, se caractérise de manière générale par un déplacement du système articulatoire. Il est plus ouvert et plus postérieur que le français standard, ce qui donne l’impression d’avoir affaire à un parler plus guttural.

Ainsi,

  • [s] devient [ʃ]. Les siens devient [le ʃjɛ̃] (on entend les chiens) ; c’est ça devient [ʃe ʃɔ] (on entend ses chats) ; et
  • [ʃ] devient [k]. Les chiens devient [le kjɛ̃] ; charrette devient [kɑ rɛt]. Une carrette est une voiture.

ACTIVITÉ 60.2
Transformez en ch’ti les phrases suivantes en procédant au glissement [s], [ʃ] et [k] décrit ci-dessus. Faites-en la transcription phonétique.

  • ici
  • cinquante-neuf
  • Il est parti avec les siens.
  • Mais non, pas avec ses chiens, avec les siens.
  • J’ai pas dit ça.
  • C’est ça.

Ce phénomène donne lieu à de savoureux quiproquos dans la comédie Bienvenue chez les Ch’ti, où un administrateur méridional de La Poste (l’équivalent de l’US Postal) est muté à Bergue, une petite ville du nord de la France.

Regardez la bande-annonce du film :

Regardez à nouveau la scène qui commence au bout d’une minute en lisant la transcription (les deux hommes entrent dans l’appartement vide). Attention : ne vous aidez pas des sous-titres en anglais de la vidéo, car le traducteur a dû transformer les répliques pour conserver l’humour de la scène

- C'est pas meublé ?  (The apartment is not furnished ?)
- Ah bah, l'ancien directeur il est parti avec.
- Mais pourquoi il est parti avec les meubles ?
- Parce que c'est peut-être les 'chiens' (= les siens).
- Quels 'chiens' ?
- Les meubles.
- Mais pourquoi il a donné ses meubles à des chiens ?
- Mais non les 'chiens' (= les siens), pas les 'kiens' (= chiens). Il (ne) les a pas donné à des ‘kiens’ ‘ches’ meubles, il est parti avec.
- Mais pourquoi vous dites qu'il les a donnés ?
- Mais j'ai jamais dit 'chat' (=ça).
- Pourquoi des 'chats', vous dites des chiens.
- Les 'chiens' à lui.
- Ah, les siens, pas les 'chiens'. Les siens !
- Ouais, les 'chiens', 'che' 'chat' (= c'est ça).
- Les chiens, les chats, mais (beep) tout le monde parle comme vous ici ?

Autres différences phonologiques :

  • le [a] devient plus postérieur pour se transformer en un son intermédiaire entre [ɑ] et [ɔ]. Ce son intermédiaire remplace également les désinences verbales en [ɛ]. J’irai devient [ʒi rɔ] ;
  • le [ɔ] tend à être prononcé [œ] ;
  • [j] devient [l] : famille devient [fɔ mil] ;
  • [ʒ] devient [ʃ] en position finale : l’âge devient [laʃ] ;
  • le r standard se transforme un r assez proche de l’anglais.

ACTIVITÉ 60.3
Conjuguez oralement le verbe aller à l’imparfait en ch’ti, en remplaçant la désinence [e] par [ɔ].

ACTIVITÉ 60.4

Reprenez l’activité proposée par les concepteurs de La voix du ch’ti  et apprenez comment compter jusqu’à cinq à partir de la section « On apprend à compter ».

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